Photo prise au « Festival Western de Saint-Tite » en 2017, lors d’un « terrassement du bouvillon » – Droit Animalier Québec
Samedi dernier, le 18 Mai 2024, un jeune bovin est mort au « Festival Western de Saint-Tite », en Mauricie lors d’une épreuve de terrassement du bouvillon ». Derrière ce fait divers, on trouve une face cachée très dérangeante de notre province : au Québec, en 2024, on peut encore utiliser les animaux comme des jouets pour de l’amusement en toute légalité, même si on leur fait risquer leur vie.
Le rodéo est un spectacle public censé célébrer le travail des « Cow-boys » dans les ranchs, dont les activités demandaient souvent de forcer des chevaux ou des vaches/taureaux à se plier à leur volonté. On y assiste à différentes activités : la monte d’un cheval ou d’un taureau qui se cabrent ou se débattent, la capture de veaux avec un lasso, et bien d’autres encore.
Au Québec, les rodéos sont principalement apparus via ce qui se nomme aujourd’hui le « Festival Western de Saint-Tite », qui a lieu tous les ans en Mauricie. L’événement a été initialement lancé en 1967 par une compagnie de cuir qui voulait vendre des « bottes western ». Loin de toute « tradition », on parle donc d’un spectacle construit de toute pièce plutôt récemment pour des raisons de marketing.
Photo prise au « Festival Western de Saint-Tite » en 2017, lors d’un « capture de veau au lasso » – Droit Animalier Québec
Bien que certaines activités du festival de Saint-Tite n’utilisent pas d’animaux – comme des spectacles de musique country -, une grande partie des spectacles utilisent encore aujourd’hui des chevaux, des taureaux, des bouvillons (jeunes taureaux castrés) et des veaux pour amuser les foules, le tout sous les sponsors de grandes compagnies comme Coca-Cola, Ford, ou Coors.
Ces épreuves sont loin d’être sans risques et sans conséquences pour les animaux. Ces dernières années, le professeur québécois en droit Alain Roy et son équipe ont investigué et documenté les pratiques de rodéo au festival, ainsi que les blessures et la détresse psychologique que les animaux vivent durant ces « spectacles ». Dans un immense rapport remis en 2018 au Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), on y voit les photos des animaux terrorisés; des cous tordus, des chutes de chevaux et une commotion cérébrale. Hier, c’est la mort qui a frappé un de ces pauvres animaux qui n’a jamais demandé à être offert en spectacle.
Dans le jargon du rodéo, on trouve l’épreuve du « terrassement du bouvillon » dont l’animal mort a été victime samedi dernier. Le principe est simple : on lâche un jeune bovin terrifié dans l’arène. Un « Cow-boy » lui court après à cheval, se jette sur lui du haut de son cheval, et lui tord le cou dans un sens, puis dans l’autre encore plus fort pour forcer l’animal à tomber sur le côté. Comme le cite Jean-Jacques Kona-Boun, un vétérinaire travaillant sur le dossier du rodéo avec DAQ, « l’épreuve de terrassement est dangereuse et possiblement fatale car elle consiste en une torsion cervicale rapide et brutale de 180 degrés ».
Composition de plusieurs photos prises au « Festival Western de Saint-Tite » en 2017, lors de « terrassements de bouvillons » – Droit Animalier Québec. On y voit la forte torsion du cou des animaux, presque complètement retourné.
Il est très difficile de mesurer précisément les risques qu’endurent les animaux utilisés lors de cette épreuve. Comme toutes les industries qui utilisent des animaux, les secrets sont bien gardés, et bien loin des yeux du public. Ce n’est que par de personnes comme Alain Roy et son équipe que nous pouvons avoir des conditions documentées pour quelques animaux qui subissent les actes de l’industrie du rodéo; mais aussi le travail d’associations comme DAQ, qui a amené les problèmes éthiques liés au rodéo face à la justice ces dernières années.
Mais sans même quantifier les risques forcés sur ces animaux, on peut se poser la question : pourquoi est-il permis de faire prendre des risques inutiles à des animaux dans notre province pour des raisons d’amusement ? Qu’est-ce qui nous donne ce droit ? Et pourquoi s’applique-t-il à des chevaux et à des bovins, alors que nous serions horrifiés de le voir appliqué à des chats et des chiens ?
Malgré de nombreuses manifestations et objections de citoyen·es du Québec face au rodéo, le gouvernement reste totalement silencieux quant à la question du bien-être animal dans nos industries de loisirs.
Au Québec, la loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal (loi BESA, après laquelle notre organisation est nommée) reconnaît que les animaux sont des êtres doués de sensibilité, et qu’ils doivent être protégés de tout mauvais traitement. Et pourtant, le gouvernement autorise qu’on les malmène, qu’on les terrifie, qu’on leur fasse risquer des blessures et la mort en « spectacle » pour que l’industrie du rodéo puisse continuer à exister. On nage en pleine dissonance cognitive ! Et cette dissonance ne s’arrête pas aux rodéos : comme démontré par notre enquête, un très grand nombre d’animaux d’élevage du Québec subissent aussi de terribles pratiques qui vont totalement à l’encontre de nos valeurs et de leur sensibilité.
Mais face à ces dissonances qui coûtent la vie à des animaux de notre province, nous pouvons agir et faire pression sur le gouvernement !
Chez BESA, nous pensons que la musique country, la culture Western, la force et le talent des Cow-boys peuvent s’exprimer sans avoir à forcer des animaux à participer ou à être malmenés pour du spectacle. Notre but n’est pas de faire disparaître le Festival Western de Saint-Tite, mais de faire en sorte qu’il puisse continuer d’exister dans le futur dans une forme qui ne fait pas subir des risques et de la détresse à des animaux. Pourquoi serait-ce aux animaux de payer de leurs vies pour nos envies d’ambiance country ?
Le respect des animaux et de leur bien être ne sont pas de simples mots qui peuvent s’effacer quand cela nous arrange; mais bien des valeurs précieuses pour les Québécois·es qui demandent intégrité, cohérence, et persévérance pour qu’elles soient présentes dans notre province. Aujourd’hui, face à la mort tragique de ce pauvre animal anonyme, la question nous est encore posée : fera-t-on ce qu’il faut pour réellement respecter les animaux au Québec ?
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